Monsieur le président,
mesdames et messieurs les ministres,
chers collègues,
si certains en doutaient, la lecture du volet Fonction publique de l'accord de gouvernement suffira à les convaincre: Ce gouvernement n'aime pas l'État. J'entends ici le terme d'État non en tant que nation mais en tant que structure. Jaurès disait que "le service public est le patrimoine de ceux qui n'en ont pas". Avec les mesures que vous proposez, c'est bien à ce patrimoine commun que vous vous en prenez.
Derrière un accord verbeux et peu précis, que trouve-t-on?
Un objectif central: celui d'établir le privé comme modèle de référence, d'arriver à ce que les gains de productivité enregistrés dans le secteur privé soient reflétés au sein de la Fonction publique et, pour ce faire, de mettre en place des indicateurs de productivité.
Monsieur le ministre, qu'entendez-vous par là?
Pensez-vous que le service public produit des boîtes de conserve? Que tout travail peut être traduit en chiffres et en output?
La qualité du service au public ne mérite-t-il pas mieux qu'une approche quantitative?
Les services publics sont essentiels pour garantir une société plus juste et contribuer à une vie de qualité pour l'ensemble des citoyens. Avec la sécurité sociale, ils sont de puissants amortisseurs des conséquences néfastes des crises économiques et financières. Ils sont aussi des leviers de compétitivité pour l'ensemble de l'économie. Et que voulez-vous en faire?
Il est vrai que le quantitatif est pour vous quelque chose d'essentiel. La première donnée quantitative à laquelle vous vous attaquez est le nombre d'agents de l'État.
Je suis profondément inquiète au sujet des économies que vous allez faire au niveau du fonctionnement de l'État. Nous assistons à une véritable destruction des services à la collectivité. Les efforts en dépenses primaires sont d'une brutalité jamais vue: 1,081 milliard en 2015 qui deviennent 2,320 milliards en 2018, soit 15 % du budget correspondant, et notamment une diminution de 20 % des frais de fonctionnement des administrations en 2015. Puis 2 % supplémentaires chaque année. Comment est-il possible de diminuer d'un cinquième les frais de fonctionnement en une année?
Une diminution de 22 % des investissements en 2015, puis 2 % supplémentaires chaque année! Une diminution de 4 % des frais de personnel en 2015, puis de 2 % supplémentaires chaque année! Rien ne sera épargné! Sera-t-il possible de simplement poursuivre certaines missions essentielles des services publics? Justice, police, protection des consommateurs, régulation. Vous savez, les services publics, ce sont les policiers, les infirmiers et infirmières, les juges, les gardiens de prison.
Les économies du gouvernement MR/N-VA vont dégrader le fonctionnement de l'État et donc les services aux citoyens. La diminution des services publics augmentera inévitablement la facture des ménages. Autant dire qu'on peut aussi s'attendre à l'externalisation et donc à la privatisation de fait d'un certain nombre de missions de l'État. À cet égard, nous attendons avec le plus grand intérêt vos propositions budgétaires.
Réduire leur nombre n'est pas votre seule ambition à l'égard des agents de l'État, il s'agit également de s'en prendre à leur statut pour l'aligner sur le privé, ainsi qu'à leur traitement. Permettez-moi de vous rappeler que le statut de l'agent de l'État, c'est d'abord la garantie de son indépendance et de la pérennité du service public.
Le PS n'est certainement pas opposé à une modernisation du service public, à son efficacité et à son efficience. Il ne s'agit pas non plus pour moi d'opposer privé et public, comme vous le faites. Il s'agit de s'assurer que toute réforme se fasse dans le sens du progrès social sur les lieux de travail et pour l'amélioration du fonctionnement de nos administrations fédérales. Le véritable défi n'est pas "moins de service public", mais "mieux de service public".
Pour être efficaces, les fonctionnaires, à l'instar de tous les travailleurs, doivent pouvoir évoluer dans un cadre de travail approprié, disposer de perspectives de carrière et être associés au changement envisagé. À cet égard, il est essentiel de soutenir un dialogue constructif garant d'une paix sociale durable. C'est pourquoi je nourris de grandes inquiétudes quant à votre volonté de faire vivre le modèle de concertation sociale dans les services publics. Vous témoignez d'un grand mépris pour les serviteurs de l'État dans cet accord. En plusieurs endroits, vous les attaquez même frontalement. Et, pour couronner le tout, vous souhaitez encore une fois revoir les carrières et les rémunérations au mérite.
Monsieur le président, mesdames et messieurs les ministres, chers collègues, je ne m'attendais pas à ce qu'un gouvernement de droite fasse preuve de tendresse à l'égard des services publics, qui sont d'abord des services au public.
Mais on aurait pu espérer au moins un peu de respect des serviteurs de l'État et de ce qui fait la base de notre modèle, à savoir la concertation sociale. Je vous prie de croire que nous serons particulièrement attentifs à la mise en œuvre de ce volet de l'accord.
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