Monsieur le président,
monsieur le secrétaire d'État,
chers collègues,
j'ai été relativement surpris par votre interview ce lundi dans la presse et par les propos que vous avez tenus.
Je crois que nous avons déjà montré par le passé, notamment lors de la précédente législature, que le Parti Socialiste ne cautionne pas la fraude. Nous ne cautionnons pas les abus et nous estimons légitime de les combattre, tout comme la fraude. Mais il ne faut pas pousser le bouchon trop loin! Je ne peux pas admettre vos propos que je trouve tout simplement scandaleux!
Sous le gouvernement Verhofstadt, en 2000, vous aviez voté cette mesure, votre parti également. Vous aviez marqué votre accord sur la suppression du contrôle inopportun; toute une procédure avait alors été mise en place. Aujourd'hui, non seulement vous indiquez que le contrôle surprise peut avoir lieu, sans aucun cadre, mais vous balayez également toute la procédure instaurée par M. Crombez, à savoir rencontrer la personne, entendre ses explications et l'autoriser à être accompagnée. Ici, non seulement vous vous rendez au domicile mais vous allez plus loin. Je crois que vous vous trompez de chemin. Vous indiquez qu'il pourra y avoir recours à un juge d'instruction si la porte n'est pas ouverte. Vous savez pertinemment bien que pour recourir au juge d'instruction, il faut une plainte avec constitution de partie civile. Vous allez donc demander à l'ONEM systématiquement de se constituer partie civile pour que le juge d'instruction autorise le contrôleur à se présenter? Vous devriez avoir à l'oreille une des phrases dites par un juge d'instruction: "C'est armer l'ONEM d'un bazooka pour tirer sur une mouche."
Monsieur le secrétaire d'État, mes questions sont simples.
Les informations diffusées dans la presse sont-elles correctes? Comptez-vous bien réintroduire les contrôles surprises au domicile des demandeurs d'emploi?
Quels sont les publics visés? Quelles sont les conditions? Combien de personnes risquent-elles de subir ces contrôles? De quelle manière ces contrôles seront-ils effectués?
Quand les contrôleurs pourront-ils s'introduire dans la sphère privée? Je tiens à signaler que la critique la plus importante formulée à l'égard de cette mesure est le viol de l'intimité. Comment les droits fondamentaux seront-ils garantis? Comment l'encadrement pourra-t-il être effectué? Serait-il possible d'obtenir l'avis de la Commission pour la protection de la vie privée auquel vous faisiez référence?
Par ailleurs, arrêtons de faire deux poids deux mesures. Quelles mesures comptez-vous prendre en matière de lutte contre la grande fraude fiscale? Seront-elles exactement les mêmes?
Réponse de Bart Tommelein
Si nous voulons maintenir une protection sociale efficace, il faut lutter contre les abus et traiter les pratiques malhonnêtes à la source, au lieu de récupérer a posteriori les montants versés indûment. L'ONEM enregistre une augmentation du nombre d’enquêtes, du nombre d’infractions et du nombre de montants à récupérer.
La réinstauration des visites à domicile –qui n'avaient été supprimées que pour les chômeurs en 2000 mais qui sont toujours en vigueur auprès de l'INAMI et des CPAS– augmente les risques de se faire prendre. Dans le cadre de la procédure existante, l'ONEM devait envoyer au moins dix jours à l'avance une invitation à une audition, en cas de suspicion de fraude. Les
fraudeurs avaient évidemment le temps de supprimer tout élément de preuve dans cet intervalle. Par ailleurs, le Collège des procureurs généraux était aussi particulièrement critique à l'égard de ce système, dans son rapport de 2012-2013.
Cette mesure supprime l’invitation préalable au bureau de l’ONEM: le contrôleur peut se rendre directement au domicile du chômeur pour poser des questions et lui demander l’autorisation de pénétrer dans les espaces habités. Cette autorisation doit être donnée par écrit et préalablement à la visite. Dans des cas exceptionnels, un mandat peut être demandé au juge d’instruction. Il n’est pas question de violation de la vie privée. Les chômeurs ne seront pas importunés arbitrairement, les contrôleurs se déplaçant uniquement en cas de soupçon grave d’abus. Des contrôles systématiques et sans motif seraient inefficaces.
Je m’occupe de la fraude sociale et la secrétaire d’État Sleurs s’occupe de la fraude fiscale. Nous travaillons ensemble et renforçons notre coopération. Ces efforts sont indispensables si nous voulons préserver la sécurité sociale. La fraude sociale constitue très souvent le premier pas vers la fraude fiscale.
Réplique d'Eric Massin
Monsieur le secrétaire d'État, je vous invite à rendre visite au CPAS de Charleroi pour voir comment cela s'y passe. Car affirmer ce genre de chose, sans vous rendre compte sur place, c'est relativement facile! Vous êtes, au niveau de l'ONEM, dans le cadre d'une procédure administrative, qui s'apparente à une procédure judiciaire.
Au niveau du CPAS, des décisions ont été prises, à la suite d'une circulaire. Nous sommes dans le cadre d'un examen pour l'octroi d'un droit et non dans celui d'un examen relatif à une sanction. Les procédés sont différents. Ce n'est pas un inspecteur de l'ONEM qui se présente, c'est un assistant social et pour les visites domiciliaires, nous envoyons un avis au préalable. Venez, vous êtes le bienvenu! Votre collègue, M. Borsus, est venu et a vu comment cela s'est passé.
Deuxièmement, eu égard à ce genre de situation, vous prenez une mesure symbolique.
Si vous prenez une mesure symbolique qui s'inscrit dans une véritable chasse aux chômeurs, dans le cadre d'une criminalisation des chômeurs! Vous feriez mieux de faire exactement la même chose en matière de lutte contre la fraude fiscale.Dites-moi si vous allez, demain, sous la menace d'un mandat du juge d'instruction, demander à une personne qui fait l'objet d'une enquête pour fraude fiscale, de signer un document pour avoir accès à son coffre bancaire, à ses comptes financiers et à l'ensemble de son patrimoine!
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