La députée socialiste Laurette Onkelinx a présenté ce mardi en commission Santé la proposition du Groupe PS visant à permettre le recours au dépistage décentralisé et démédicalisé à l'égard de groupes cibles prioritaires particulièrement vulnérables face au VIH.
"Comme vous le savez, un plan national VIH a vu le jour en octobre 2013. Son objectif : apporter une réponse concertée à l’épidémie en Belgique et faire du combat contre le VIH/Sida une priorité nationale. Ce plan est essentiel et il doit continuer à être mis en œuvre. Parce que la lutte contre le VIH doit rester une priorité. Une priorité nationale.
Il est à cet égard toujours important de rappeler quelques chiffres. Selon l’Institut scientifique de Santé Publique, 1.115 infections ont été diagnostiquées dans notre pays en 2013. Si ce nombre est en recul de 9 % par rapport à l’année 2012, il n’en reste pas moins que le nombre de nouvelles contaminations reste élevé puisqu’il s’élève en moyenne à environ 3 nouveaux diagnostics par jour.
Comme le mentionne également l’ISP, l’épidémie de VIH en Belgique touche principalement deux populations : d’une part, les hommes qui ont des relations sexuelles avec des hommes (HSH), et, d’autre part, les femmes et les hommes provenant principalement de pays d’Afrique subsaharienne qui ont contracté le virus lors de rapports hétérosexuels.
Ces quinze dernières années, on a par ailleurs observé une augmentation du nombre de diagnostics de VIH chez les HSH. Ainsi, toujours selon les chiffres de l’ISP, le nombre de nouvelles infections diagnostiquées chez les HSH est en augmentation de 5 % par rapport à 2012 et est quatre fois supérieur à celui de 1999.
Si un des quatre piliers du Plan national VIH concerne le dépistage, c’est évidemment parce qu’il est fondamental. Nous le savons, le dépistage reste en effet actuellement insuffisant ou trop tardif au sein de certains groupes de population notamment les HSH. Ainsi, si une augmentation des tests de dépistages a pu être constatée entre 2010 et 2012, il apparaît, en 2013, une diminution du nombre de tests de 1,1 % par rapport à l’année 2012. Alors que le nombre total de tests était de 703.486 en 2012, il est passé à 695.433 en 2013.
Non-fréquentation des structures classiques de dépistage, crainte de la stigmatisation, difficultés de dialoguer avec les professionnels des soins de santé au sujet de l’orientation sexuelle, des comportements sexuels et des prises de risque sont quelques-uns des éléments pouvant expliquer ce constat.
Notre proposition de loi vise donc à apporter une réponse concrète à cette problématique en permettant à des associations reconnues et des travailleurs communautaires, sous certaines conditions en matière de formation et de collaboration avec les centres VIH notamment, de pratiquer un dépistage du VIH-Sida décentralisé et démédicalisé auprès des groupes-cibles particulièrement vulnérables face au VIH-Sida, nous pensons évidemment aux HSH, et d’en assurer l’accompagnement que ce dépistage réclame avant et après son exécution.
Comme vous le savez, ce type de dépistage a fait l’objet, en 2013, d’un projet-pilote subsidié par l’INAMI. L’asbl Ex Aequo a ainsi organisé un dépistage du VIH/SIDA et des autres IST, de manière délocalisée et démédicalisée, auprès d’un public-cible, à savoir celui des HSH. Ce projet dénommé Test-Out a confié le dépistage à des représentants issus du groupe-cible formés. L'objectif premier était de faciliter l'accès à un test de dépistage en le sortant du cadre purement hospitalier, médical mais aussi de sensibiliser les HSH au dépistage précoce comme moyen de prévention.
Dans le cadre de ce projet-pilote différentes formes de dépistages décentralisés et démédicalisés ont été effectués : dépistages à bord d’un camion dans le quartier gay de Bruxelles, dépistages au sein d'établissements gays où il y a consommation sexuelle mais aussi dépistages lors de permanences hebdomadaires dans les locaux de l’asbl.
La personne y était accueillie de manière adéquate et anonyme, un entretien sur ses comportements sexuels y était mené et, enfin, quelques gouttes de sang lui étaient prélevées au bout du doigt. Il s’agit d’un Test Rapide à Orientation de Diagnostic (TROD) dont le résultat est connu en quelques minutes. En cas de test réactif ou indéterminé, la personne est orientée vers une structure médicale pour que le résultat soit confirmé tout en permettant une prise en charge et un accompagnement en cas de confirmation du test réactif.
Au total, 262 HSH ont été dépistés. 12 % des HSH qui se sont présentés n’avaient jamais été dépistés et 35,4% avait été dépistés plus d’un an avant. Il est donc clair que le dépistage décentralisé et démédicalisé permet de toucher certains groupes de personnes particulièrement vulnérables n’ayant jamais ou peu eu recours au dépistage classique pour les raisons évoquées plus haut. Le dépistage décentralisé et démédicalisé semble donc clairement faciliter la décision de ces personnes qui ne franchiraient pas contre pas la porte d’un hôpital ou d’un médecin généralistes.
Depuis lors, différents avis ont été rendus concernant ce type de dépistage. Ainsi, dans son avis du 19 juillet 2014 l’Ordre des médecins a estimé qu’il était en effet « primordial de développer des stratégies pour augmenter le recours au dépistage, tenant compte des facteurs qui facilitent ou au contraire freinent l'accès au dépistage. »
Par ailleurs, en juillet 2015, les experts du Conseil supérieur de la Santé (CSS) ont également estimé que si des conditions strictes en termes d’implémentation, d’évaluation et de formation doivent être mis en place pour permettre ce type de dépistage, ils n’y sont absolument pas opposés.
À l'heure où, sur toute la planète, les scientifiques appellent à une intensification du dépistage et à un traitement précoce, nous sommes convaincus que ce type de dépistage permettrait d'augmenter le nombre de dépistages précoces et donc une meilleure prise en charge des patients atteints du VIH"
NB: Seul le texte prononcé fait foi.