Monsieur Francken, quel est pour vous le prix de la dignité? Quel est pour vous le prix d'un pays digne, qui respecte le droit d'asile et les décisions imposées par la justice en la matière? Quel est pour vous le prix de la dignité d'une famille, qui refuse de s'inscrire dans des réseaux de passeurs, contre lesquels nous luttons tous, pour fuir l'horreur et la désolation d'Alep? Monsieur Francken, quel est pour vous le prix de la vie de parents syriens et d'enfants syriens de cinq et huit ans, qui tentent d'échapper à une traversée hasardeuse de la Méditerranée? Difficile à dire n'est-ce pas, parce que la dignité et la vie n'ont pas de prix! Dans cette situation, elles n'ont même pas de coût, parce que les citoyens en question seront pris en charge par une famille namuroise, prête à les accueillir, famille syrienne, à qui, vous, monsieur Francken, refusez un visa de court séjour.
Par contre, grâce ou à cause de vous, la honte, elle, a aujourd'hui un coût, à savoir 4 000 euros par jour pour les contribuables, puisque l'État a été condamné par le tribunal de première instance, à cause de votre refus de donner à ces parents, à ces enfants, un visa.
Dès lors, monsieur Francken, combien de temps encore allez-vous nier ce que l'humanité la plus élémentaire impose envers tous les êtres vivants? Combien de temps encore, au nom de votre posture idéologique honteuse, allez-vous nier ce que la justice de notre pays a dit pour droit?
Réponse de Théo Francken
Avant-hier, un jugement m'obligeant à délivrer un visa à une famille syrienne, de sorte à lui permettre de demander l'asile dans notre pays, m'a été signifié. Cette décision est assortie d'une astreinte de 4 000 euros par jour.
Les trois demandes de visa introduites précédemment par cette famille ont jusqu'à présent toujours été rejetées. Les deux premières demandes remontant à octobre et décembre 2015, invoquaient une visite à des amis résidant en Belgique. Elles ont été refusées pour absence de garanties financières suffisantes. La dernière demande, introduite il y a deux mois, mentionnait explicitement l'intention de demander l'asile à la Belgique. À la suite du refus de cette dernière demande, un recours a été introduit auprès du Conseil du Contentieux des Étrangers, lequel a annulé la décision des autorités et a jugé que celles-ci devaient accorder le visa demandé.
Je conteste cet arrêt, car il va à l’encontre de la loi sur les étrangers et des principes de base du droit administratif. En vertu de ma compétence discrétionnaire, il m’appartient de délivrer ou de refuser un visa de court séjour. Il est inouï qu’une décision me soit imposée. Puisque je compte attaquer la décision du Conseil du contentieux des étrangers, dans la foulée, je contesterai aussi la décision du juge du Tribunal de première instance de Bruxelles qui m’a infligé une astreinte. J’userai de toutes les voies de recours disponibles pour préserver l’intérêt général.
Les deux décisions judiciaires sont avant tout radicalement contraires à la Convention de Genève et à la Convention européenne des droits de l’homme. Nous sommes tenus d’offrir une protection aux demandeurs d’asile qui ont introduit la demande sur le territoire même. C’est pourquoi il s’agit d’une affaire de principe extrêmement dangereuse qui créerait un précédent en provoquant une ruée vers nos ambassades et consulats faisant place au chaos complet en matière d’asile. Je ne me laisserai pas impressionner, les autorités doivent avoir le dernier mot.
Nous optons résolument pour l'accueil dans la région d'origine et débloquons en ce sens des fonds sans précédent, en des temps de disette budgétaire. Ce gouvernement délivre quatre fois plus de visas humanitaires que tous les précédents.
Nous prenons nos responsabilités, sans toutefois excéder nos capacités. Par ailleurs, si le Canada fait venir des réfugiés en avion, c'est parce que personne n'y demande l'asile. Pour notre part, nous recevons chaque année entre 10 000 et 20 000 demandes d'asile de réfugiés provenant des régions bordant l'Europe. Il s'agit d'une différence fondamentale. De plus, dans le cas des chrétiens, il s'agissait également de mon pouvoir discrétionnaire.
Par ailleurs, je soutiens pleinement l'octroi de visas humanitaires, mais ce candidat précis ne répondait pas aux critères. Le gouvernement précédent fonctionnait de la même manière. Je ne suis absolument pas favorable à l'inscription des critères dans la loi. J'ai confiance en mon administration, qui veille quotidiennement au maintien d'un bon équilibre. Des critères légaux déclencheraient une vaste bataille juridique. On constate une fois de plus aujourd'hui à quel point il est difficile de respecter cet équilibre.
Réplique de Julie Fernandez
Monsieur Francken, votre position fait honte à ce pays, à ce gouvernement. Arrêtez de vous cacher derrière des arguments juridiques pour défendre ce qui n'est qu'un point de vue idéologique. Votre démonstration à la tribune – on s'est cru au congrès de la N-VA – ne fait que le confirmer.
Vous avez aujourd'hui, monsieur le secrétaire d'État, la possibilité de sauver une famille avec deux enfants. Et vous ne le faites pas. Vous avez la possibilité de sauver une famille de l'enfer d'Alep. Et votre position reste de dire non, malgré une décision juridique.
Je vous le dis droit dans les yeux, monsieur Francken: votre attitude est celle du complice des meurtriers d'Alep. Et le PS ne sera pas votre complice. J'en appelle à votre conscience. Enfin, si vous en avez encore une!