Monsieur le ministre, fin 2016, vous avez déclaré que nous en finirons avec le système des unités de carrière, que les hommes et les femmes travaillant plus de 45 ans pourront valoriser leur pension. Ces propos étaient magnifiques mais n'étaient qu'un effet d'annonce. En effet, vous choisissez des modes de calcul qui discriminent les plus faibles, et notamment ceux qui ont commencé à travailler avant 20 ans, ceux qui ont connu des périodes de maladie ou de chômage. Les témoignages des uns et des autres en attestent. Plusieurs milliers de travailleurs perdraient plus de 100 euros par mois, ce qui est énorme par rapport à une petite pension. Ces chiffres sont-ils exacts?
Vous avez demandé de pouvoir faire des propositions concernant la problématique des interlocuteurs sociaux, notamment, sur les unités de carrière, thème à plusieurs facettes. Apparemment, vous n'avez pas intégré leur demande. Confirmer-vous que les nouvelles règles vont pénaliser certains pensionnés? Pourquoi agissez-vous sans attendre les propositions du groupe des Dix? Serait-ce pour des raisons budgétaires? Quelle est votre estimation de l'impact? Comptez-vous temporiser ou passer en force, compte tenu des réactions?
Réponse de Daniel Bacquelaine
Cette mesure fait partie de l'accord de gouvernement. Ses modalités ont été définies lors du conclave budgétaire d'octobre 2016. Elle concerne la suppression au 1er janvier 2018 de la limitation à l'unité de carrière pour tous les travailleurs salariés poursuivant leurs activités professionnelles au-delà de la carrière de référence.
Il s'agit donc d'une mesure très positive qui vise à encourager la poursuite de l'activité professionnelle au-delà des 14 040 jours ou 45 ans de carrière nécessaires pour avoir une carrière complète. Toutes les journées de travail prestées avant le départ à la retraite entreront désormais en compte pour le calcul de la pension.
Par exemple, la personne qui a travaillé 47 ans pourra bénéficier d'une pension calculée sur base de 47/45e et non pas sur base de 45/45e, comme c'est le cas aujourd'hui. La pension sera donc augmentée. Cela peut représenter un gain de pension très appréciable allant jusqu'à 706 euros par année supplémentaire prestée au-delà de la carrière de référence. Je peux vous dire qu'un certain nombre de syndicats se sont même ouvertement réjouis de cette mesure positive.
Eu égard au fait que le travailleur a déjà une carrière complète, les jours pour lesquels il bénéficie d'une allocation à charge de la sécurité sociale, ne lui permettent cependant plus de constituer des droits de pension additionnels. Dans ce cas, il peut du reste généralement partir à la retraite.
On peut se demander pourquoi on accorderait des droits supplémentaires sur la base d'allocations de sécurité sociale qui ne donnent pas lieu au payement de cotisations sociales, alors même que la personne est en âge de prendre sa pension. Il faut d'ailleurs préciser que même lorsque les personnes font le choix de rester à charge de la sécurité sociale après 45 ans de carrière, cela ne signifie pas pour autant que, de manière automatique, elles bénéficieront d'une pension moindre, loin de là. En effet, les personnes qui peuvent prétendre à une pension minimum après une carrière complète conserveront intégralement ce droit à la pension minimum, puisqu'elles auront 45 ans de carrière. Nous allons d'ailleurs revaloriser la pension minimum des personnes qui ont une carrière complète.
J'insiste sur le fait que cette mesure s'accompagnera parallèlement d'une hausse des pensions des travailleurs qui ont exercé un métier lourd.
Cette mesure s'inscrit donc parfaitement dans la volonté du gouvernement de renforcer le caractère assurantiel de notre système de pension. Nous voulons renforcer le lien entre le travail et le montant de la pension. Comme le prévoit la Commission de réforme des pensions, le travail effectif doit être davantage valorisé. Mme de Coster l'a dit. Tous ceux qui travaillent plus longtemps auront effectivement droit à une pension plus élevée. C'est pourquoi nous allons revaloriser ces pensions.
En revanche, il n'y a, me semble-t-il, aucune raison d'accorder automatiquement et généralement des droits complémentaires à ceux qui décident, non pas d'être malades ou d'être au chômage, de rester en charge de la sécurité sociale, alors même qu'ils ont déjà une carrière complète qui leur permet de prendre leur pension. Telle est la philosophie de la réforme. Bien entendu, elle n'est pas encore définitivement adoptée. Il reste un champ de négociation possible. Mais le principe général est le suivant: qui travaille plus a droit à une pension plus élevée. C'est un principe essentiel de la réforme que nous menons au sein du gouvernement.
Réplique de Frédéric Daerden
Monsieur le ministre, vos réponses sont toujours les mêmes. Personne ne sait compter mais vous ne donnez pas de chiffres aux questions posées.
Cette réforme sur l'unité de carrière pourrait en effet être intéressante si elle augmentait le pouvoir d'achat des futurs pensionnés. Mais vous l'envisagez dans une logique budgétaire et avec mépris par rapport aux interlocuteurs sociaux qui vous demandent de stopper toutes ces réformes saucissonnées et de prendre un peu de recul, de temporiser pour avoir une vue globale sur l'effet sur les citoyens. Et les effets sont lourds sur les citoyens qui doivent toujours payer plus et voient leur pouvoir d'achat toujours réduit, que ce soient les citoyens, les futurs pensionnés ou les pensionnés actuels.
Monsieur le ministre, j'ai cru entendre qu'il y avait encore une marge de négociation. Cela veut dire que, demain, vous reporterez vos réformes et projets à l'ordre du jour. Je considère que c'est un engagement de votre part.