Monsieur le président, chers collègues, monsieur Francken, vous avez pris l'initiative d'organiser la venue sur notre territoire d'une mission d'identification de migrants, composée d'officiels soudanais venus expressément de ce pays tortionnaire pour screener leurs compatriotes qui fuient cette même dictature.
Vous êtes soutenu par l'ensemble de votre gouvernement. Le premier ministre l'a d'ailleurs crié haut et fort mardi en commission.
Monsieur Francken, à vos provocations verbales nauséeuses, vient s'ajouter cette collaboration. Après voir cité Hervé Hasquin la semaine dernière, permettez-moi aujourd'hui de saluer mon collègue Van Rompuy. Il y a enfin des voix qui s'élèvent dans cette majorité pour condamner vos paroles dégoûtantes mais aussi contre votre présence dans ce gouvernement.
Je suis d'accord avec vous, collègue Van Rompuy, combien de temps va-t-on encore tolérer cet homme dans cette fonction délicate et humanitaire au sein de ce gouvernement?
Monsieur Francken, je l'ai dit au nom du PS la semaine dernière en votre absence et je tiens à vous le répéter aujourd'hui les yeux dans les yeux, si vous me regardez en tout cas. Vous n'avez plus la responsabilité. Vous n'avez plus la dignité pour être dans un gouvernement!
Monsieur Francken, mesdames et messieurs de la majorité, nous le savons, la situation est extrêmement compliquée. Vous ne voulez pas d'un Calais bis, nous non plus. Mais arrêtez de faire croire que d'un côté, il y a les gauchistes laxistes, droit-de-l'hommistes et de l'autre, un gouvernement humain et responsable! Votre politique d'immigration n'est pas humaine et est encore moins légale.
Depuis la semaine dernière, on entend le premier ministre, le ministre de Affaires étrangères et le ministre de l'Intérieur marteler que toutes les procédures sont respectées, qu'il n'y a pas de violation des conventions internationales, qu'on respecte la loi, rien que la loi!
Ici encore, je voudrais saluer une collègue de la majorité qui, avec courage, s'oppose à la politique de ce gouvernement et lui rappelle qu'on ne renvoie pas des demandeurs d'asile dans un pays comme le Soudan. Madame Lanjri, je vous remercie de rappeler cette évidence et de plaider pour qu'on fasse exception à Dublin!
Mais monsieur Francken, il n'y a pas que certains membres de votre majorité qui déconstruisent votre argumentaire et votre politique humaine et ferme et respectueuse de la loi, puisqu'un arrêt rendu en urgence par le Conseil du contentieux des étrangers (CCE) sur un dossier soudanais dénonce la légèreté avec laquelle notre pays a osé traiter un tel dossier.
Voici donc mes deux questions.
L'arrêt du CCE montre que les garanties avancées ne sont pas appliquées avec la rigueur qui s'impose quand on traite avec un régime dont le président est poursuivi par la Cour pénale internationale. Pensez-vous que les circonstances soient de nature à créer de la confiance entre les migrants et les autorités dans la recherche de solutions humaines et équilibrées?
Quel est le contenu de la note du 22 septembre? Dans ce même objectif, ne pensez-vous pas que la suspension des renvois Dublin vers la France et l'Italie constituerait une mesure constructive pour la gestion des dossiers soudanais?
Réponse de Théo Francken
Monsieur le président, madame Fernandez, en effet, le Conseil du contentieux des étrangers (CCE) a suspendu un ordre de quitter le territoire qui a été délivré à un des Soudanais arrêté au parc Maximilien. Je veux clarifier qu'il s'agit ici d'une personne qui avait introduit une demande d'asile en France avant de venir en Belgique, pays qu'elle a quitté sans attendre la réponse à sa demande.
Malgré l'assistance d'un avocat pro deo dans le centre fermé, cette personne a décliné l'introduction d'une nouvelle demande d'asile en Belgique. L'intention de mon administration était dès lors d'éloigner cette personne, pas vers le Soudan mais vers la France, bien sûr, pays responsable d'examiner sa demande d'asile en vertu du Règlement Dublin.
Je veux souligner ici devant vous que mon administration respectera toujours nos engagements sous la Convention des réfugiés ainsi que sous la Convention européenne des droits de l'homme. Cela implique que nous ne rapatrions vers son pays d'origine aucune personne qui a une procédure d'asile en cours, soit en Belgique, soit dans un autre État membre de l'Union européenne. Jamais!
En ce qui concerne le rapatriement des illégaux vers le Soudan, nous continuerons à organiser des rapatriements, comme le font déjà treize autres États membres de l'Union européenne. La Suède, par exemple, pays avec un gouvernement vert-rouge, a déjà rapatrié quinze Soudanais l'an dernier. De 2014 à 2016, la France, sous le PS, a rapatrié plus de 200 Soudanais. Chacun de ces rapatriements a été réalisé avec la collaboration des autorités soudanaises, ce qui implique aussi l'identification en France des personnes concernées par des fonctionnaires soudanais. Sous le PS!
Mesdames et messieurs, nos pays voisins prennent leurs responsabilités en la matière. Nous devons prendre les nôtres. Je le répète une fois pour toutes, notre pays ne deviendra pas un refuge pour ceux qui méprisent nos lois et optent pour un séjour illégal! Les personnes sans droit de séjour qui ne veulent pas demander l'asile en Belgique ou qui ont vu leur demande refusée doivent retourner: un retour volontaire si possible mais forcé si nécessaire. Point final!
Réplique de Julie Fernandez-Fernandez
Monsieur le président, monsieur Francken, je sais que cela vous ennuie, mais je suis une parlementaire belge et, même si ce qui se passe ailleurs m'intéresse, aujourd'hui, c'est un membre du gouvernement belge que j'interroge, tout comme j'ai interrogé mardi le premier ministre. On me donne des informations sur les pratiques dans d'autres pays, mais telle n'est pas la réponse que je souhaitais entendre.
Encore une fois, le message est lancé, à savoir "circulez, il n'y a rien à voir et tout va bien"!
Je rappelle que vous avez pris l'initiative de faire entrer, dans notre pays, des gens qui ont du sang sur les mains, qui torturent, qui assassinent, qui tortureront et qui assassineront encore.
On nous prétend que les procédures sont respectées. Pourtant, le CCE nous dit le contraire.
Je terminerai mon intervention en citant une phrase de l'écrivaine allemande Caroline Hemtt: "La haine, c'est ce qui rend l'homme invisible à l'homme." Je suis triste de constater qu'à cause de vous, nous sommes encore un peu plus transparents.