11.000, c’est le nombre d’esclaves modernes en Belgique ! Après plusieurs décennies, où le phénomène concernait davantage l’exploitation sexuelle, il est aujourd’hui évident que la traite des êtres humains a pris une ampleur démesurée en matière d’exploitation par le travail, touchant pas moins de 50 millions de victimes par an dans le monde.
Les exemples sont malheureusement trop fréquents : l’affaire Boréalis l’été dernier où 138 personnes ont obtenu le statut provisoire de victimes ; les pratiques de dumping social dans différents secteurs de notre économie comme la construction, le transport routier ou la livraison de colis ; le travail d’enfants chez Post NL ; etc.
Face à ces constats alarmants, la Chambre a mis en place la commission spéciale « Traite et Trafic des êtres humains » le 24 février 2022. Dix années après la dernière commission spéciale sur ce dossier, elle était chargée d'évaluer la législation et la politique en la matière. Après avoir auditionné des dizaines de spécialistes – avocats, magistrats, inspection sociale, police, syndicats, associations d’aide aux victimes, centres d’accueil, institutions internationales…- , la Chambre adopte aujourd’hui un cahier de plus de 100 recommandations, avec des avancées significatives pour les victimes.
Pour le Président de la commission et député PS, Khalil Aouasti, « très souvent, les victimes de traite et trafic d’êtres humains n’ont pas de titre de séjour. Par crainte de se voir renvoyer du territoire, les victimes n’osent pas prendre contact avec les autorités et sont à la merci d’exploitants. En amont, il s’agit de lutter en profondeur contre le dumping social et pour cela c’est tout un cadre législatif en matière de circulation des travailleurs qui doit être adapté pour prévenir, plutôt que guérir. Cette commission a réalisé un travail important et nécessaire et qui représente un grand pas en avant qui ouvrira j’espère un chemin à suivre dans les années à venir ! »
Parmi les 100 recommandations de la commission, la Chambre veut :
- Lutter contre le dumping social en évaluant et si nécessaire adaptant notre législation : limitation de la chaîne de sous-traitance, responsabilité solidaire, adaptation de la législation des marchés publics.: limitation de la chaîne de sous-traitance, responsabilité solidaire, adaptation de la législation des marchés publics.
- Mieux détecter et mieux accompagner les victimes sur leurs droits, grâce à une formation spécifique des acteurs de première ligne (qu’ils soient de la police, la justice…).
- Mettre en place un guichet unique de première ligne permettant aux victimes potentielles de l'exploitation économique qui résident de manière irrégulière sur le territoire d’être accueillies, informées et accompagnées pour faire valoir leurs droits, dans l’anonymat.
- Permettre une meilleure indemnisation en adaptant le Fonds pour les victimes.
Ben Segers, député Vooruit et initiateur du comité spécial sur la traite des êtres humains : « nous savons que les trafiquants exploitent les gens dans les circonstances les plus terribles. Cette exploitation est une menace pour les droits sociaux des travailleurs et un désastre pour notre État-providence. À l’initiative de Vooruit, des mesures importantes ont déjà été prises pour améliorer le radar de la traite et du trafic d’êtres humains. Après des années de démantèlement, nous avons une fois de plus renforcé les services spécialisés de police et d’inspection. Nous étendons le point d’enregistrement des victimes de la traite des êtres humains, qui a été établi en réponse à la crise ukrainienne, à toutes les situations de traite des êtres humains. Le travail n’est pas terminé. Nous devons continuer à renforcer la lutte contre la traite des êtres humains afin de protéger les travailleurs contre l’exploitation. »
Katja Gabriëls, députée VLD : « la traite et le trafic d'êtres humains sont des phénomènes honteux dans lesquels la souffrance humaine est exploitée. Le combattre est complexe et nécessite une coopération intensive. Notre pays a été un pionnier avec une approche coordonnée pendant des années. Nous devons continuer à le faire à l'avenir. Nous devons donc garder le doigt sur le pouls afin de garder une longueur d'avance sur les criminels et de protéger au maximum les victimes. »
Olivier Vajda, député Ecolo : « La traite et le trafic des êtres humains sont un des fléaux de notre temps. Ils touchent différents profils souvent fragilisés : des Belges, des étrangers, migrants ou non, des femmes via la prostitution imposée, des jeunes via la criminalité forcée, des travailleurs exploités… Il s’agit-là d’une version moderne de l’esclavage qui fait encore de trop nombreuses victimes au 21e siècle. Renforcer la prévention et la détection de la traite et du trafic des êtres humains, ainsi que l'aide aux victimes, est essentiel pour les écologistes. »
Eva Platteau, députée Groen : « la Belgique doit plaider au sein de l'UE pour une politique européenne contre l'exploitation économique. Le dumping social doit être combattu. Les travailleurs migrants venant en Belgique devraient être sensibilisés à leurs droits sociaux. Nous voyons maintenant que la dépendance à un seul employeur les rend vulnérables à l'exploitation économique et à la traite des êtres humains. Nous avons formulé des recommandations concrètes à cet égard. Nous appelons également les grandes entreprises à prendre leur responsabilité d'être attentives à la traite des êtres humains chez leurs sous-traitants.»
Emmanuel Burton, député MR : « la traite et le trafic des êtres humains sont des crimes honteux et odieux. La protection des droits fondamentaux a toujours été une priorité pour notre groupe. Après l’adoption des recommandations de la majorité, nous espérons qu’elles participeront à améliorer notre modèle de lutte contre ces violations des droits humains. Il importera ensuite au Parlement de se saisir au plus vite des recommandations de la commission afin de les traduire en texte de loi. »
Els Van Hoof, députée CD&V : « la lutte contre la traite des êtres humains est inextricablement liée à la lutte contre l'exploitation sexuelle. La détection en ligne et les poursuites qui suivent sont des éléments cruciaux de cette lutte. Voilà pourquoi, il faut investir dans des logiciels et des équipes multidisciplinaires au sein des forces de police. »